Adresse: 69-73 avenue du Général-Leclerc et 131-141 allée du Forum à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)
Nombre de salles: 7
En 1980, une seule salle de cinéma subsiste à Boulogne-Billancourt, une commune emblématique du Septième art puisqu’elle héberge depuis 1941 les studios de Boulogne créés par le producteur et réalisateur Léo Joannon. Non loin de là, au bord de la route de la Reine, le cinéma Royal – connu des spectateurs boulonnais sous l’enseigne Kursaal – est en ce début des années 1980 intégré au circuit UGC. Le Royal propose des séances uniquement le soir à 20h40 ainsi que des matinées supplémentaires le mercredi, le samedi et le dimanche.
Les autres salles de Boulogne-Billancourt ont tour à tour fermé leurs portes à l’instar du Casino qui baisse son rideau en 1980, de l’Artistic-Cinéma, du Capitole, du Celtique et du Paris qui mettent tous trois la clé sous la porte durant l’année 1975, avant que le Pathé-Palace ne tire son rideau au milieu des années 1970 ainsi que du Jean-Jaurès en 1968. Triste hécatombe.
Dans cette période morose pour l’exploitation cinématographique boulonnaise, l’historique société Gaumont décide l’implantation d’un complexe multisalles – on en parle pas encore de multiplexe – qui est prévu dans le centre commercial du Pont de Sèvres. La firme à la marguerite demande aux anciens collaborateurs de l’architecte Georges Peynet – disparu en 1979 et qui a notamment officié pour la Gaumont durant des décennies – de concevoir leur nouvel établissement cinématographique. Le duo d’architectes Raymond Roz et Raymond Chauvelin imagine ainsi la création d’un cinéma de sept salles au pied d’un grand ensemble de logements et baptisé Gaumont Ouest, comme un pendant au Gaumont Sud, l’ancien Montrouge-Palace restructuré et renommé en 1972 et qui aujourd’hui porte le nom de Gaumont Alésia.
Ci-dessus: vues de sept salles du Gaumont Ouest en 1981.
Ci-dessus: vues de l’enseigne du Gaumont Ouest en 1981.
Le 10 décembre 1980, les premiers coup de projecteurs du Gaumont Ouest sont donnés dans le complexe flambant neuf doté de sept salles d’une capacité de 410, 330, 253, 166, 127, 123 et 88 fauteuils. Dans l’Ouest parisien, les principaux cinémas alors en activité sont le Vélizy 2, doté de quatre salles, les six salles du Cyrano à Versailles, le cinéma mono-écran C2L à Versailles, le Club à Versailles, le cinéma de cinq salles les Studios à Parly 2, le cinéma mono-écran le Chaville, le Normandy à Vaucresson et le Rex à Chatenay-Malabry. La société d’exploitation SOCOGEX détenue par la famille Edeline est fortement représentée dans ces communes. Sur le plan de la fréquentation, l’année 1980 voit les entrées se stabiliser ainsi que l’implantation des complexes multisalles s’étendre. Avec l’augmentation du nombre de complexes, l’exclusivité des films tend à se généraliser dans un grand nombre de salles alors qu’elle était l’apanage de quelques prestigieuses salles parisiennes. Enfin, c’est cette même année, à partir du 1er septembre, qu’un tarif réduit pour tous est lancé pour les séances du lundi, engendrant une hausse de fréquentation de 30% pour ce jour de la semaine traditionnellement faible.
Pour sa semaine d’ouverture, le Gaumont Ouest accueille ses premiers spectateurs qui se rendent dans les sept salles assister aux séances de Superman 2 de Richard Lester avec Christopher Reeve (2.551 entrées), la production Gaumont La Cité des femmes de Federico Fellini avec Marcello Mastroianni (401 entrées), Inspecteur la Bavure de Claude Zidi avec Coluche et Gérard Depardieu (3.210 entrées), Shining de Stanley Kubrick avec Jack Nicholson (351 entrées), Tendres cousines de David Hamilton (609 entrées), La Terrasse d’Ettore Scola avec Vittorio Gassman, Ugo Tognazzi, Jean-Louis Trintignant, Marcello Mastroianni et Stefani Sandrelli (638 entrées) et Une merveilleuse journée de Claude Vital, avec Michel Galabru (210 entrées).
Le Gaumont Ouest affiche durant ses quelques années d’exploitation les nombreuses productions maison comme Clara et les chics types de Jacques Monnet avec Isabelle Adjani, Daniel Auteuil et Thierry Lhermitte le 14 janvier 1981, La Provinciale de Claude Goretta avec Nathalie Baye et Bruno Ganz le 21 janvier 1981 ou La Dame aux camélias de Mauro Bolognini avec Isabelle Huppert le 11 mars 1981 qu’on retrouve le 16 décembre 1981 dans Eaux profondes de Michel Deville. D’autres productions Gaumont sont à l’affiche du complexe de Boulogne comme La Nuit de Varennes d’Ettore Scola avec Jean-Louis Barrault et Marcello Mastroianni le 15 mai 1982, L’As des As de Gérard Oury avec Jean-Paul Belmondo et Marie-
Ci-dessus: La Boum de Claude Pinoteau (1980) à l’affiche du Gaumont Ouest ainsi que des cinémas parisiens Le Paris, Publicis Elysées, Gaumont Richelieu, le Français, Clichy Pathé, Gaumont Les Halles, Hautefeuille, Montparnasse 83, le Passy, Gaumont Sud, Cambronne et Les Nation.
Ci-dessus: la production Gaumont Fanny et Alexandre d’Ingmar Bergman à l’affiche du Gaumont Ouest le 6 mars 1983 ainsi que des cinémas parisiens Gaumont Champs-Elysées, Saint-Lazare Pasquier, Impérial Pathé, Hautefeuille Pathé, Gaumont Les Halles, Saint-Germain Studio, la Pagode, les 7 Parnassiens, PLM Saint-Jacques, Gaumont Convention, Miramar et Nation.
Ci-dessus: la production Gaumont La Lune dans le caniveau de Jean-Jacques Beineix à l’affiche du Gaumont Ouest le 18 mai 1983 ainsi que des cinémas parisiens Gaumont Ambassade, Kinopanorama, Gaumont Berlitz, Mayfair Pathé, Gaumont Richelieu Drouot, Saint-Lazare Pasquier, Lumière, Wepler Pathé, Bretagne, Saint-Germain Huchette, Gaumont Les Halles, Gaumont Sud, Gaumont Gambetta, la Fauvette et le Saint-André des Arts.
Parmi les productions étrangères diffusées au Gaumont Ouest, citons Les Aventuriers de l’arche perdue de Steven Spielberg le 16 septembre 1981, E.T., l’extra-terrestre du même réalisateur le 1er décembre 1982, À la poursuite du diamant vert de Robert Zemeckis avec Michael Douglas, Kathleen Turner et Danny DeVito le 4 juillet 1984, Highlander de Russell Mulcahy avec Christophe Lambert et Sean Connery le 26 mars 1986, et le même jour Out of Africa de Sydney Pollack avec Meryl Streep et Robert Redford ou encore Rambo III de Peter MacDonald avec Sylvester Stallone le 19 octobre 1988.
Ci-dessus: Dangereuse sous tous rapports de Jonathan Demme à l’affiche du Gaumont Ouest le 10 juin 1987 ainsi que des cinémas parisiens Marignan-Concorde Pathé, Hautefeuille Pathé, Forum Horizon, 14 juillet Beaugrenelle, 14 juillet Bastille, Montparnasse Pathé, Impérial Pathé, Clichy Pathé, la Fauvette, Mistral, Gambetta et Maillot.
Ci-dessus: Promis… juré ! de Jacques Monnet à l’affiche du Gaumont Ouest le 9 décembre 1987 ainsi que des cinémas parisiens Gaumont Ambassade, Gaumont Opéra, Gaumont Les Halles, Gaumont Convention, Gaumont Alésia, Gaumont Parnasse, Miramar, Fauvette, Pathé Clichy, Nation et Racine Odéon.
Ci-dessus: Distant voices de Terence Davies à l’affiche du Gaumont Ouest le 16 novembre 1988 ainsi que des cinémas Gaumont Ambassade, Gaumont Opéra, Gaumont Les Halles, Gaumont Alésia, Gaumont Parnasse, la Pagode, le Saint-André des Arts et 14 juillet Bastille.
Ci-dessus: la reprise de Retour vers le futur (1985) de Robert Zemeckis à l’affiche du Gaumont Ouest la semaine du 26 juillet 1989 ainsi que des cinémas parisiens George V, Gaumont Les Halles, Paramount Opéra, Gaumont Parnasse, Gaumont Alésia, Gaumont Convention, Images et Fauvettes.
Au milieu des années 1980, Gaumont traverse une période difficile. A la fin de l’année 1988, l’exploitant annonce dans les colonnes du Film français sa décision de quitter Boulogne-Billancourt et de fermer son cinéma pourtant ouvert huit ans plus tôt: « Depuis des mois, la direction du Gaumont Ouest ne cesse de multiplier les actions pour tenter d’attirer le public: programmes spécialement étudiés à tarif réduit pour les enfants le mercredi après-midi, participation au ciné-club de la mini-université, films projetés en avant-première, rencontres avec des professionnels du spectacle (acteurs et metteurs en scène). Seulement voilà, les gens n’ont cessé d’afficher une préférence pour les complexes des Champs-Elysées, tant et si bien que la firme à la marguerite a tranché, et ce malgré l’intervention de M. Georges Gorse (alors maire de Boulogne-Billancourt, ndlr) ».
La presse quotidienne évoque d’importants problèmes liés à la sécurité de ce quartier excentré et proche du pont de Sèvres. L’arrêt de l’exploitation du Gaumont Ouest est annoncée pour le 31 décembre 1988 mais le complexe connaît un court sursis de six mois.
Le Gaumont Ouest ferme définitivement ses portes le 31 juillet 1989 laissant la commune de Boulogne-Billancourt sans aucune salle de cinéma, le Royal ayant fermé ses portes en 1985. Pour sa dernière semaine d’exploitation, le Gaumont Ouest affiche Les Dieux sont tombés sur la tête… la suite de Jamie Uys qui comptabilise 1.635 entrées, la reprise de Retour vers le futur de Robert Zemeckis (174 entrées), Sing de Richard J. Baskin (145 entrées), la reprise de la production Disney Taram et le chaudron magique de Ted Berman et Richard Rich (270 entrées), Fair Game de Noel Nosseck (97 entrées), Le Grand bleu de Luc Besson (264 entrées) et Karaté Kid 3 de John G. Avildsen (400 entrées).
Ce n’est que quelques années plus tard qu’un nouveau cinéma voit le jour à Boulogne-Billancourt, la salle Henri Alekan du cinéma Landowski ouvert le 10 décembre 1998 au sein de l’espace culturel Landowski. Trois ans passent avant que le multiplexe de sept salles initié par l’exploitant australien Village Roadshow soit ouvert par la firme au coq le 27 juin 2001 qui le baptise Pathé Boulogne.
Textes: Thierry Béné.
Documents: Le Film français, Cinémas de France, Pariscope, France-Soir.
je suis étonnée à la lecture de votre commentaire, de penser qu’il y avait des resquilleurs et des mauvais garçons dans ce quartier. En effet dans les années 1975 mes deux filles allaient au cinéma, le mercredi je les laissais au placier pendant que j’allais faire mes courses au Monoprix.
je les récupérais à la sortie. Elles avaient 12 et 14 ans à l’époque. Je n’ai jamais eu de problèmes.
J’ai commencé ma carrière chez Gaumont en juillet 1987, au Gaumont Ouest, en tant que « contrôleur »…
Plusieurs anecdotes :
==> Lors de mon entretien d’arrivée au cinéma, la 1ère phrase du Directeur (Pascal LECABEC, de mémoire) : « Bonjour, avant de vous faire faire le tour du cinéma, est-ce que vous êtes certain de revenir demain, parce que là, vous êtes le 3ème pour le poste, les 2 premiers étudiants n’ont jamais commencé, ne sont pas revenus, ont eu peur de l’environnement.. » Je lui avais répondu que j’étais là pour faire carrière chez Gaumont.
==> Au bout de quelques semaines (j’y suis resté à peu près 2 mois pour les remplacements d’été avant de partir en direction du Gaumont Alesia), je passais mon temps à surveiller les sorties de secours tellement il y avait de resquilleurs. Une fois, on avait même fini coincés avec le Directeur face à une bande de jeunes et il avait fallu que je récupère une barre à mine à l’un 2 pour réussir à les repousser.
==> Corollaire de tout ça, j’avais eu droit 2 fois en 2 mois avec 2 de mes collègues (un assistant de direction et un opérateur) d’être accompagné par les flics jusqu’au terminus de PONT DE SEVRES à la fermeture du cinéma pour prendre le dernier métro aux alentours de minuit …En 1987 !
==> C’est peut-être grâce à ça que j’ai fait carrière dans les salles du groupe à la Marguerite 🙂